Thu. Nov 21st, 2024

Par Jean Boivin – BlackRock Investment Institute

  • À la suite des violentes fluctuations qui ont agité les marchés, de nombreux portefeuilles ont dévié de leurs allocations stratégiques. Nous nous attendons à un rééquilibrage vers leurs pondérations de référence.
  • Face aux répercussions du coronavirus, la riposte budgétaire et monétaire est en train de prendre forme ; les marchés semblent cependant la sous-estimer.
  • Un sommet virtuel du G20 pourrait entériner une coopération politique plus concrète, essentielle pour faire face au choc de l’épidémie.

L’onde de choc qui a secoué les marchés ces dernières semaines, provoquée par les inquiétudes entourant l’épidémie de coronavirus et ses répercussions économiques, a probablement fait sortir nombre de portefeuilles des limites de leurs pondérations de référence. Les « sell-off » des marchés actions et les baisses de rendement des emprunts d’État ont entraîné mécaniquement une sous-pondération en actions et une surpondération en obligations de maints portefeuilles. Nous recommandons de rééquilibrer ces derniers vers leurs pondérations de référence, tout en étant conscients que le calendrier et la mise en œuvre varieront selon les investisseurs.

 

De nombreux investisseurs rééquilibrent leurs portefeuilles vers leurs pondérations de référence stratégiques sur une base annuelle. Il est probable cependant que les fluctuations extrêmes des marchés aient entraîné les portefeuilles bien loin de leurs indices de référence. Faisons par exemple l’hypothèse d’un portefeuille composé à 60 % d’actions des marchés développés et à 40 % d’obligations mondiales. Au cours du mois dernier, le poids des actions dans le portefeuille aurait connu une rapide diminution pour atteindre un peu plus de 50 %, à la suite du plongeon des marchés actions. Cette évolution sur un mois aurait été plus marquée que celle observée durant la crise de 2008 (cf. le graphique ci-dessus).

 

Nous estimons que les pondérations de référence conservent tout leur sens. Cela implique un besoin de rééquilibrer les
portefeuilles, en achetant des actions et en vendant des obligations. Il nous paraît toutefois prématuré de surpondérer les actions.
Dans l’attente que le nombre d’infections par le coronavirus ait atteint un pic et que des mesures décisives aient été prises pour
stabiliser l’économie et les marchés, il semble prudent de commencer à se positionner à contre-courant des fluctuations du marché
en procédant à un rééquilibrage. Le bon moment pour ce faire variera selon les investisseurs, et devra tenir compte de
considérations telles que les coûts de transaction et la liquidité du marché.

L’épidémie de coronavirus représente un choc externe majeur, qui affecte les perspectives macroéconomiques de la même façon
qu’une catastrophe naturelle de grande ampleur. Les mesures de santé publique déployées pour stopper la propagation du virus
devraient aboutir à un arrêt quasi complet de l’activité économique et à une forte contraction de la croissance au deuxième
trimestre. L’incidence durable sur l’activité, lorsque celle-ci reprendra, devrait cependant être limitée, à condition toutefois que les
autorités aient opté pour une riposte budgétaire et monétaire massive qui permettrait aux entreprises et aux ménages de se
maintenir à flot.

La réponse politique qu’il convient d’apporter doit inclure des mesures de santé publique drastiques pour endiguer l’épidémie –
ainsi qu’une action décisive, préventive et coordonnée pour stabiliser les conditions économiques et les marchés financiers. Tout
cela commence d’ailleurs à prendre forme. Les banques centrales ont abaissé leurs taux et adopté des mesures pour garantir le bon
fonctionnement des marchés. L’essentiel est ici de limiter les dysfonctionnements dans l’établissement des cours de marché, ainsi
que le resserrement des conditions financières. Ce qu’il faut, ce sont des mesures massives et coordonnées, tant sur le plan
monétaire que budgétaire, qui permettront d’éviter un manque de liquidités – en particulier chez les petites entreprises et les
ménages – qui pourrait entraîner des tensions financières et faire basculer l’économie dans la crise, comme nous l’expliquons en
détail dans notre rapport «Time for policy to go direct ». Le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie sont de bons modèles de
coordination des politiques budgétaire et monétaire, ce principe que nous avons préconisé dans notre étude « Faire face au
prochain ralentissement économique ». Nous nous attendons à ce qu’un troisième train de mesures budgétaires, nettement plus
significatif, soit bientôt adopté aux États-Unis, qui pourrait probablement s’approcher de 1 000 Mds USD, soit 5 % du PIB
américain, et ce malgré de possibles rebondissements durant son processus d’adoption au Congrès.

 

Nous maintenons nos pondérations de référence au niveau des actions, du crédit, des emprunts d’État et de la trésorerie, mais nous
avons actualisé nos opinions détaillées sur l’allocation d’actifs pour les six à douze prochains mois. Nous privilégions les zones
géographiques qui disposent de la plus grande marge d’action, comme les États -Unis et la Chine, tant pour les actions que pour le
crédit, et favorisons les expositions au facteur qualité. Notre préférence pour les actions américaines s’accroît, en raison de leur
biais qualitatif et du soutien qu’elles devraient tirer des mesures de relance budgétaire. Notre intérêt diminue en revanche pour les
actions japonaises, le pays disposant d’une marge de manœuvre monétaire et budgétaire limitée pour faire face aux répercussions
de l’épidémie. En ce qui concerne les obligations, nous abaissons à neutre notre position sur les titres du Trésor américain protégés
contre l’inflation (Treasury Inflation-Protected Securities, ou TIPS), à la suite de la réduction considérable des taux, même si nous
pensons qu’ils conservent toujours de la valeur sur le long terme. Nous rehaussons à neutre les emprunts d’État périphériques de la
zone euro après le récent creusement des spreads, et dans l’espoir que les mesures prises par la Banque centrale européenne (BCE)
maintiendront les rendements à un faible niveau dans les pays du sud de la région. Pour les investisseurs à long terme, la
valorisation des actifs risqués devient significativement intéressante.

 

Environnement de marché

Face aux répercussions économiques du coronavirus, la riposte budgétaire et monétaire est en train de prendre forme à mesure que l’épidémie et les actions de confinement relatives se propagent dans le monde. La réponse des autorités est venue sans tarder et, au total, les mesures de relance budgétaire mises en œuvre devraient excéder celles qui ont été actées lors de la crise financière de 2008. La volatilité des marchés nous semble cependant ne pas tenir compte de l’ampleur des actions de relance déjà décidées,sans parler de celles à venir.

Actualité macroéconomique

Le choc du coronavirus a jeté une lumière crue sur la
disponibilité et le coût du financement pour les entreprises,
en particulier aux États-Unis et en Europe – faisant en cela
écho à la crise de 2008. Mais 2020 n’est pas 2008, que ce
soit pour le crédit aux entreprises ou pour l’économie globale
en général. L’élargissement des spreads durant la crise
financière mondiale avait témoigné des inquiétudes quant à
la viabilité des emprunts des entreprises – des tensions
engendrées au sein du système financier par une croissance
excessive du crédit. À l’opposé, le « sell-off » qu’a subi le
marché du crédit la semaine dernière a été provoqué à la fois
par l’épidémie de coronavirus et la dégringolade des cours du
pétrole après la rupture des négociations entre l’OPEP et la
Russie sur la production. Le cadre du crédit aux entreprises
est plus solide qu’il ne l’était à l’approche de la crise
financière. Le crédit aux entreprises non financières
américaines a connu une croissance stable au cours des
dernières années, et est demeuré à des taux bien inférieurs à
ceux que l’on observait avant la crise financière. Sa
croissance au Royaume-Uni a été plus limitée, mais aussi
plus volatile que par le passé. Des zones d’inquiétude existent
cependant, comme sur le segment des Leveraged Loans.

 

Thèmes d’investissement

1 L’activité économique au point mort

• Les mesures de santé publique prises pour lutter contre l’épidémie de coronavirus devraient entraîner un
arrêt quasi complet de l’activité économique et une forte contraction de la croissance au deuxième
trimestre.
• L’incidence durable sur l’activité, lorsque celle-ci reprendra, devrait être cependant limitée, à condition
toutefois que les autorités aient opté pour une riposte budgétaire et monétaire massive qui permettrait aux
entreprises et aux ménages de se maintenir à flot.
• Les États-Unis devraient faire preuve d’une plus grande résilience grâce à la part plus faible du secteur
manufacturier dans leur PIB, à celle relativement élevée des dépenses de santé et à une réponse politique
qui promet d’être vigoureuse.
• Nous prévoyons une reprise de l’activité une fois les perturbations surmontées ; l’intensité comme la durée
de ces dernières restent cependant inconnues, une situation qui pourrait nuire à la consommation et à
l’investissement.
• Le risque principal, selon nous, serait que, face à la propagation de l’épidémie, la réponse politique soit
insuffisante: l’économie subirait alors des dommages à long terme.
• Conséquences pour les marchés : nous recommandons de conserver des positions de référence au niveau
des classes d’actifs et de rééquilibrer les portefeuilles face au recul des actifs risqués.

2 Des mesures de soutien radicales

• La réponse des autorités est venue sans tarder et, au total, les mesures de relance budgétaire mises en
œuvre devraient être similaires à celles qui ont été actées lors de la crise financière mondiale, mais s’étendre
sur un horizon plus court. Cependant, cette riposte semble paraître insuffisante aux yeux des marchés.
• La relance budgétaire est la première priorité de l’action politique : elle devra se concentrer sur le
renforcement des mesures de santé publique et sur l’évitement des pénuries de liquidité grâce à un
dispositif de liquidité relais. L’Union européenne s’est engagée à verser 1 % de son PIB – certains pays se
tenant prêts à des montants plus importants à leur propre niveau – et a promis des garanties financières
allant de 10 % du PIB à un soutien illimité à la liquidité. Le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie sont de
bons modèles de coordination des politiques budgétaire et monétaire.
• Les responsables américains sont passés de l’idée d’un soutien minimal à une relance de plus de 1 000 Md
USD, soit environ 5 % du PIB du pays. Ce plan d’urgence intègre les mesures que nous avions préconisées :
il s’agit bien d’«agir directement», à savoir soulager les pressions que subit la trésorerie des ménages et
des entreprises, en particulier les petites, au moyen de versements d’argent frais.

• Les banques centrales doivent avant tout s’attacher à limiter les dysfonctionnements dans l’établissement
des cours de marché, ainsi que le resserrement des conditions financières. La Réserve fédérale américaine
(Fed) a injecté de nombreuses liquidités et offert de nouvelles facilités pour empêcher que les tuyaux du
système financier ne se grippent. La BCE a réagi avec audace, après une première annonce peu convaincante,
en lançant un programme d’achat d’obligations de 750 Md EUR. Les responsables européens pourraient
également activer le mécanisme de stabilité européen selon des conditions plus souples, ce qui libérerait une
capacité d’achat d’obligations encore plus importante.
• Conséquences pour les marchés : le revenu des coupons est aujourd’hui essentiel dans un monde où les
rendements deviennent toujours plus faibles.

 

3 Les règles de resilience des portefeuilles

• Les emprunts d’État des économies développées présentent des valorisations qui paraissent un peu élevées à la
lumière de nos perspectives économiques ; ils devraient cependant toujours offrir une capacité de diversification
bienvenue, même si elle se trouve réduite du fait de rendements aujourd’hui proches de ce que nous estimons être
leur limite inférieure. Le récent rebond des rendements des bons du Trésor américain, qui avaient atteint des
niveaux historiquement bas, montre qu’une inversion est néanmoins possible.
• La préférence que nous marquons envers les bons du Trésor américain et les titres du Trésor protégés contre
l’inflation a démontré son utilité en termes de résilience des portefeuilles lors de l’épisode de volatilité sur les
marchés actions consécutif à l’épidémie de coronavirus – sauf pendant quelques jours, où les actions comme les
obligations ont baissé en raison des inquiétudes nourries par le marché.
• Mettre l’accent sur l’investissement durable peut être un moyen de renforcer la résilience des portefeuilles. Nous
sommes convaincus que la pratique de l’investissement durable, qui est un phénomène nouveau, octroiera un
avantage en termes de performance à mesure que le temps passera.
• Conséquences pour les marchés : nous privilégions les bons du Trésor américain au sein des portefeuilles, qui
offrent une meilleure protection que leurs homologues à rendement plus faible, et recommandons vivement de
prendre en compte la durabilité au sein des processus d’investissement.

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