Perspectives d’investissement pour 2026
Par Edmond de Rothschild AM
Etats-Unis : moins de visibilité, mais pas de récession en vue
Marchés chers, bulle IA et déficits publics : un trio de risques à surveiller
Europe : le véritable catalyseur pourrait venir du changement de cap allemand
Une stratégie d’investissement prudente mais offensive, axée sur la diversification, la résilience et la souveraineté
Au-delà de l’IA : préparer l’après-bulle
Les analogies entre l’envolée actuelle des valeurs liées à l’IA et la bulle internet sont nombreuses : rôle central du momentum, valorisations extrêmes, forte participation des particuliers, méga-deals circulaires entre OpenAI, Nvidia et Oracle. La question clé réside dans la capacité des acteurs américains à monétiser ces investissements, alors que la concurrence est de plus en plus intense entre hyperscalers américains et chinois, et que les retours sur investissement peinent encore à se matérialiser.
Deux freins supplémentaires émergent aux États-Unis : une offre d’énergie insuffisante face à une demande en forte hausse, conduisant à une flambée des prix de l’électricité, et les premiers incidents sur le marché du private credit. La croissance fulgurante de ce dernier en fait, selon certaines projections, l’un des principaux financeurs potentiels des data centers d’ici 2030.
Le segment de marché de l’IA demeure hautement spéculatif du point de vue d’un investisseur de long terme. Les résultats du troisième trimestre confirment d’ailleurs un ralentissement : la croissance bénéficiaire américaine n’est plus tirée principalement par les MAG7, ce qui plaide pour une diversification au-delà du seul thème de l’IA.
Et si la véritable surprise de 2026 venait de l’Europe ?
La France demeure fragile sur les plans budgétaire et politique, mais le risque de crise reste contenu. L’Europe du Sud conserve une dynamique positive, portée par le plan NextGen EU et par le regain de compétitivité de ces pays. C’est toutefois l’Allemagne qui opère le changement de doctrine le plus marquant, susceptible d’entraîner l’ensemble du continent : plan de relance dont les effets apparaîtront en 2026, volonté de M. Merz de lancer l’Union des marchés de capitaux (jusqu’ici bloquée par Berlin), soutien aux mesures protectionnistes européennes contre le dumping chinois sur l’acier. Il s’agit d’une rupture réelle, visant à relancer à la fois l’offre et la demande en Europe.
Fed, déficit et politique : un nouveau régime monétaire en vue
En mai 2026, le mandat de Jerome Powell prendra fin. Nul ne sait jusqu’où l’indépendance de la Fed sera préservée, mais nous anticipons une banque centrale plus accommodante, ne serait-ce qu’en raison des rotations déjà programmées au sein du Board après le départ de J. Powell.
Alors que les politiques budgétaires seront expansionnistes l’an prochain dans les trois plus grands pays du G7 (États-Unis, Japon, Allemagne), et que les déficits publics se creuseront, les équipes d’Edmond de Rothschild AM ne privilégient pas pas les obligations à maturité longue. La reconstitution de la prime de terme semble incomplète au regard de l’historique, surtout si la Fed devait devenir trop laxiste sous pression politique.
Stratégie d’investissement 2026
D’une manière générale, les marchés restent chers, tandis que la probabilité d’un éclatement de la bulle IA augmente : plus les investissements augmentent, plus les doutes sur leur monétisation s’intensifient. Toutefois, les facteurs macro-économiques ne permettent pas de craindre un retournement durable des marchés à ce stade.
Les équipes d’investissement d’Edmond de Rothschild AM abordent donc l’année 2026 avec une allocation relativement équilibrée entre actions et obligations. La prudence est de mise en début de période, dans l’attente d’une meilleure visibilité sur l’évolution de la Fed, sans préférence géographique marquée sur les actions.
Prudence également sur les grandes capitalisations liées à l’IA (notamment les MAG7) le thème du Big Data est privilégié, en particulier les entreprises utilisatrices, qui sont le mieux placées pour tirer parti de l’IA. Nous mettons aussi l’accent sur les sociétés bénéficiant du retour des préoccupations autour de sujets de résilience et de souveraineté, au niveau mondial et européen, la mise en œuvre du rapport Draghi figurant parmi les priorités de la Commission européenne.
Ces deux dernières années, le facteur momentum a été très puissant. Pour se préparer à un changement de régime tout en restant investi à long terme, il nous semble préférable d’augmenter la part d’actifs sous-détenus et décotés, déjà engagés dans un mouvement de reprise. C’est notamment le cas des petites capitalisations européennes, qui vont bénéficier d’une croissance plus domestique, de l’Union des marchés de capitaux et de possibles baisses de taux de la BCE. Aux États-Unis, une politique économique expansionniste reste une possibilité ce qui confère également un rôle aux valeurs américaines « Value » dans une logique de diversification. Enfin, les valeurs aurifères, déjà en forte hausse, pourraient encore progresser si la recomposition de la Fed conduisait à une orientation plus politisée.
Dans l’univers obligataire, les spreads sont déjà historiquement faibles mais un resserrement supplémentaire reste possible, puisque les signatures des États se dégradent. Les équipes d’investissement privilégient ainsi les dettes hybrides financières et corporate, essentiellement émises par des signatures Investment Grade, ainsi que la dette émergente, qui devrait bénéficier de l’assouplissement monétaire de la Fed, et enfin les stratégies de portage.
Benjamin Melman, Directeur des Investissements d’Edmond de Rothschild AM conclue« Nous débutons 2026 avec une prudence offensive : nous refusons le confort des consensus et des bulles. Les marchés restent chers, l’IA concentre les excès, mais les conditions macroéconomiques ne justifient pas un retrait massif du risque. Nous privilégions une allocation réellement diversifiée, entre actions et obligations, avec un biais fort vers les actifs sous-détenus et décotés. Loin de suivre les flux, ce qui nous préoccupe c’est de préparer le prochain régime de marché. »

