Fri. Nov 22nd, 2024

Benjamin Melman, Global CIO Asset Management – Edmond de Rothschild

Depuis une semaine, les marchés affichent déjà des journées de chutes vertigineuses et chaotiques. Le jeudi 12 mars, les marchés d’actions ont baissé le plus souvent au-delà de 10% et même les « actifs refuges » comme l’obligation à 30 ans du gouvernement américain ont chuté de plus de 1% et l’or de près de 3%. Comme si la logique traditionnelle des marchés avait été rompue au profit de liquidations désordonnées de portefeuilles reprofilant à la baisse la poche d’actifs risqués, vu l’incroyable volatilité, à l’instar des risk parity funds.

Depuis cette journée de capitulation qui n’a connu de précédents qu’aux lendemains de la faillite de Lehman Brothers, les autorités monétaires et fiscales ont pris la mesure de la crise et on a assisté à une succession de décisions ou d’annonces, parfois majeures, à l’instar de la Réserve Fédérale. L’absence de réactions des marchés constitue une immense surprise, d’autant plus qu’il y a encore moins d’un mois, les actifs risqués poursuivaient une hausse ininterrompue pratiquement sans oscillation sous l’impulsion du regonflement du bilan de la Réserve Fédérale. Or même le « bazooka » de la Réserve Fédérale n’a pas empêché une deuxième journée de capitulation.

Un black swan pour les investisseurs

La difficulté de cette crise est qu’elle est inédite. Jamais le monde n’a connu une situation où, sans crise financière, une économie peut s’arrêter brutalement pour une durée indéterminée. Quel est le rythme d’activité en période de confinement ? Combien de temps dure le retour à la normale quand l’activité peut repartir ? Est-ce que la divergence de politique sanitaire entre ceux qui pratiquent le confinement et ceux qui ne le pratiquent pas ne va pas maintenir les frontières durablement fermées ? Autant de questions cruciales sur l’intensité et surtout la durée d’une telle situation, auxquelles il est difficile de répondre à ce stade, d’où l’incapacité du marché à trouver un prix d’équilibre.

La divergence des politiques sanitaires augmente l’incertitude

Le constat de ces dernières semaines en Asie est que le confinement est très coûteux en termes d’activité mais au moins il fonctionne. La reprise progressive de l’activité en Chine montre que cette crise peut être violente mais bornée en termes de durée. Une grande partie de l’Europe continentale finit par suivre l’exemple asiatique (l’Allemagne toutefois prend nettement moins de précautions que l’Italie, la France et l’Espagne) et on peut donc espérer un pic européen de l’épidémie en avril. Mais pour l’heure, deux pays du G7 ne semblent pas partis pour suivre le même chemin : les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

Autrement dit, au regard de l’absence d’expériences antérieures qui serviraient de comparaison, à supposer que ces deux pays maintiennent le refus du confinement, il est très difficile d’estimer le timing de fin de cette crise économico-sanitaire et donc son coût total.

Beaucoup ont regretté le manque de coordination internationale en termes de politique économique pour répondre à cette crise. Indéniablement, elle aurait été préférable. Mais l’absence de coordination internationale des politiques sanitaires est certainement bien plus déplorable. Car si le coût de la crise en Europe est encore très incertain, l’après-crise ne ressemble pas nécessairement à un « back to business » classique. L’incertitude reste donc très élevée et c’est bien ce que reflète les valorisations actuelles des actifs financiers.

La crise financière se déroule mais beaucoup d’étapes ont été franchies

 

Tout d’abord, deux journées de capitulation se sont déjà produites. Les autorités monétaires et fiscales annoncent pour leur part des mesures de très grande ampleur. La BCE a rapidement changé de braquet dans ce contexte, en débloquant 750 milliards d’euros. Non seulement les mesures prises permettront d’éviter beaucoup de faillites à court terme mais elles devraient aussi accélérer la reprise quand l’économie sortira du confinement. Par ailleurs, on commence à accumuler suffisamment de données pour estimer l’impact du confinement et dans certaines régions, l’épidémie recule. Enfin, les valorisations de marchés reviennent à des niveaux attractifs.

L’heure n’a pas encore sonné pour de grands choix d’allocation d’actifs

 

Valorisations attractives, relances fiscales et monétaires massives en chemin, capitulation des marchés déjà derrière nous : autant de cases déjà cochées pour nourrir un rebond des marchés. Il manque néanmoins une amélioration de la visibilité quant à la durée de cette crise et ce sera pour nous déterminant. L’annonce d’un confinement aux Etats-Unis constituerait à nos yeux un changement significatif. Ce n’est pas parce qu’en apparence, Donald Trump semble ne pas vouloir emprunter ce chemin qu’il faut figer cela dans le marbre. Il semblait encore très réticent à un plan de relance la semaine dernière avant finalement d’afficher sa volonté de faire approuver par le Congrès le déblocage d’une enveloppe de six points de PIB.

Restons patients

Le caractère inédit de cette crise a provoqué un tel effet de surprise qu’il y a eu comme un sentiment d’improvisation et un retard des instances de décision dans l’annonce de mesures sanitaires et de politiques économiques. Mais force est de constater que la mesure de la crise a été prise et que nous assistons à un rattrapage rapide des différentes autorités pour apporter une réponse efficace. Tout change très vite en ce moment et tout peut se produire. C’est la dynamique de l’épidémie et la convergence des politiques sanitaires qui attirent toute notre attention et qui éclaireront nos prochaines décisions d’allocation d’actifs. En attendant, nous maintenons notre allocation d’actifs, équilibrée en actions et sous-pondérée en crédit.

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