ACTION FUTURE 59 – MARCHES
Entretien avec Claire Castanet
En charge de la direction des relations avec les épargnants à l’Autorité des marchés financiers (AMF).
ACTION FUTURE. Claire Castanet, vous êtes en charge de la Direction des relations avec les épargnants au sein de l’Autorité des marchés financiers.
Quel est le rôle de cette division ?
Claire Castanet : La Direction incarne plus particulièrement la mission d’information et de protection des épargnants.
Elle est en contact direct avec eux, tout d’abord via sa plate-forme Épargne Info Service.
Sur Internet, Épargne Info Service fournit des conseils, des mises en garde, elle se met à l’écoute des particuliers.
Elle fournit un effort de pédagogie en leur donnant les outils pour que, au-delà des bons réflexes à adopter, ils puissent agir en toute connaissance de cause. Ce contact se fait aussi par téléphone : nous recevons plus de 12 000 appels par an, notamment pour traiter les
réclamations. Nous effectuons par ailleurs une activité de veille sur les instruments du marché, les relations des établissements avec les particuliers. Au travers de partenariats démultipliés, nous observons les comportements émergents, afin de protéger au mieux les épargnants et de veiller à ce qu’ils aient les moyens de se poser les bonnes questions sur les risques éventuels.
À propos de risques, quels sont ceux auxquels peuvent s’exposer des particuliers mal informés ?
Depuis 2011, nous avons constaté une recrudescence de l’offre à destination des particuliers pour des investissements risqués, de type Forex, pour le marché, ou options binaires, pour les instruments. Les sollicitations ont été de plus en plus nombreuses à l’égard du grand public, qui s’est retrouvé fortement exposé à ces activités à risques, notamment via une importante publicité.
Par ailleurs, une étude que nous avons menée nous a permis de déterminer que, sur le trading de Forex et de CFD en France, près de neuf clients sur 10 perdaient de l’argent, et nous avons évalué ces pertes à plus de 10.000 euros en moyenne par client.
Des épargnants se sont également retrouvés face à des sociétés qui se comportaient comme de véritables escrocs, avec des difficultés réelles pour récupérer leur argent.
La possibilité d’accéder en ligne à un service de courtage a-t-elle aggravé ces risques ?
Le Pôle commun Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – Autorité des marchés financiers (ACPR – AMF)a entamé une réflexion et un suivi sur les pratiques commerciales en ligne des établissements. La commercialisation en ligne couvre un panel très large. En soi, Internet n’est ni bon ni mauvais.
Il présente des avantages, comme la réduction des frais. Il est cependant indispensable de veiller à ce que le client ait accès à une information claire, exacte, précise sur les risques et performances du produit qu’on lui propose, et que les établissements respectent leur devoir de conseil.
Nous avons mené une campagne de « visites mystères » sur des sites proposant du trading spéculatif, Forex et options binaires. Les conclusions ont été alarmantes. Elles révèlent notamment des déséquilibres dans l’information sur les rendements et les risques, une pression exercée sur le particulier pour qu’il investisse, alors qu’il ne dispose pas des éléments pour comprendre ces marchés.
Est-ce que cela signifie que, pour l’AMF, au-delà des cas de fraude manifeste, certains marchés, par leur nature même, représentent un risque pour les particuliers ?
On est convaincu que les marchés et instruments de type Forex et options binaires ne sont pas faits pour les particuliers. Le Forex est un marché non régulé, ouvert sept jours sur sept, 24 heures sur 24, très important en termes de volume. On parle de 4.000 milliards d’euros par jour.
Pour nous, ces produits ne sont pas adaptés au particulier. Il ne peut pas avoir les moyens de se faire son opinion.
Car il faut souligner qu’il n’y a pas d’apprentissage sur ces marchés. Notre étude a montré qu’on n’acquiert aucune expérience. Il n’y a pas de montée en compétence. C’est comme un débutant qui se lancerait dans un sport extrême. Il pense que s’il s’est un peu entraîné sur un mur d’escalade en salle, il peut se lancer dans un périple où il va devoir affronter des reliefs escarpés, très délicats à négocier. Il se retrouvera face à des crevasses. Il n’a pas conscience de ce qui l’attend et il ne peut pas en avoir conscience. On ne lui dit pas les dangers que cela représente. On ne lui dit pas non plus qu’il risque de tomber sur des bandits de grand chemin.
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